Le cinéma est un art en constante évolution. Des premiers films en noir et blanc aux prouesses techniques des effets spéciaux et du CGI d'aujourd'hui, chaque époque a marqué un tournant visuel. Mais aujourd’hui, nous allons explorer une facette souvent sous-estimée du design graphique : les logos, packagings, affiches, journaux, et objets spécialement conçus pour donner vie aux univers cinématographiques.
Bien que souvent perçus comme de simples « détails », ces éléments jouent un rôle fondamental. Ils façonnent l’atmosphère, renforcent la crédibilité des récits et permettent aux spectateurs et spectatrices de s'immerger pleinement dans des mondes fictifs. Chaque objet, chaque design, est pensé pour compléter l’histoire et faire de l’univers du film un lieu tangible et cohérent, au-delà de l’écran.
Design graphique et cinéma, une histoire d’amour depuis les premiers films
Le graphisme et le cinéma ont toujours évolué main dans la main, dès les débuts du septième art. Les frères Lumière, avec leurs premières projections, ont posé les fondations d’un art visuel en mouvement. Georges Méliès, quant à lui, a transformé le cinéma en une expérience graphique en créant des décors peints, en utilisant des trucages ingénieux et en donnant vie à des mondes fantastiques. Enfin, Alice Guy, pionnière du cinéma, a démontré que les choix esthétiques, qu'ils soient visuels ou sonores, pouvaient intensifier la narration et l'émotion, ajoutant une dimension supplémentaire aux récits cinématographiques. Ces premières expérimentations ont ouvert la voie à une fusion constante entre le graphisme et le cinéma, une relation qui perdure encore aujourd’hui.

Avec l'arrivée de l'animation, des studios comme Disney ont élevé le graphisme au rang d'acteur central dans le cinéma. Des films emblématiques comme Blanche-Neige ou Fantasia ont démontré que chaque dessin, chaque couleur, et chaque mouvement étaient essentiels pour créer des univers immersifs et durables, souvent porteurs de messages profonds, parfois même politiques. Plus tard, Hayao Miyazaki a poussé cette relation encore plus loin, en mêlant habilement techniques traditionnelles et numériques. Cette fusion a permis à ses œuvres d'atteindre une richesse visuelle inégalée, avec des paysages d'une beauté saisissante et des personnages d'une profondeur émotionnelle rare. Grâce à ces pionniers, le graphisme est devenu bien plus qu'un simple outil technique, mais un langage visuel à part entière, indispensable à la narration cinématographique.

Le passage de l’analogique au numérique a marqué un tournant décisif dans l’histoire du cinéma. Aujourd’hui, le motion design et les effets numériques ne se contentent plus d’embellir les films : ils en définissent parfois l’identité même. Les images des tournages de sagas comme Avatar ou Marvel en sont un exemple frappant, où un immense travail numérique en post-production transforme l’univers visuel, avec l’implication des acteurs et actrices qui doivent s’imaginer dans des mondes irréels. Le graphisme, qu’il s’agisse de typographies animées, de textures ou de compositions visuelles, reste au cœur de l’expérience cinématographique. Il crée des univers où l’esthétique et le récit sont intimement liés, où chaque élément visuel sert à approfondir l’histoire et à immerger pleinement le spectateur dans des mondes fantastiques.
Quelques recommandations qualitatives des films ou séries d’animation, qui sont dans leur entièreté une réelle réussite :
Klaus de Sergio Pablos (2019)
Arcane de Christian Linke et Alex Yee (depuis 2021)
La Passion Van Gogh de Dorota Kobiela (2017)
Le design graphique pour promouvoir le cinéma
Le design graphique accompagne le cinéma dès les premières étapes de sa création et jusqu’au moment du visionnage. Que ce soit à travers l'affiche, le générique, les décors ou les effets visuels, chaque élément est soigneusement pensé pour capter l’attention des spectateurs et spectatrices. Les designers travaillent souvent dans l’ombre (comme Alfred...ines ?), pour sublimer l'expérience cinématographique et enrichir l’univers du film.
L'un des premiers supports qu'ils découvrent est l'affiche, véritable porte d’entrée dans l’univers du film. À l’instar d’une couverture de livre, elle doit transmettre le ton, l’atmosphère et l’essence du film, tout en éveillant la curiosité du spectateur.
La première affiche de cinéma remonte aux débuts du 7ᵉ art. Illustrée par l’artiste Marcellin Auzolle pour la sortie du Cinématographe Lumière et du film L'Arroseur Arrosé en 1896, cette affiche mesurait 120x160 cm ! C’est une œuvre particulièrement intéressante, car elle ne se contente pas de promouvoir un film : elle illustre également l’acte même d’aller au cinéma et présente le cinématographe, ce nouveau dispositif révolutionnaire de l’époque.

Aux débuts du cinéma, toutes les affiches étaient peintes à la main. Au fil du temps, elles ont évolué en s'inspirant des grands courants artistiques tels que l'Art déco, le Pop art ou le Minimalisme, tout en intégrant les avancées technologiques et numériques qui ont transformé leur conception.
Saul Bass est l’un des graphistes les plus emblématiques, reconnu pour son style distinctif et percutant. Il a marqué l’histoire du cinéma avec des affiches iconiques telles que Psychose, Vertigo, La Mort aux Trousses, The Shining et Les Oiseaux. Par ailleurs, son talent s’est également illustré dans la création de génériques mémorables pour des films comme Spartacus, West Side Story, Bonnie and Clyde et Casino, qui restent aujourd’hui des références incontournables en matière de cinéma et d’animation.

Même si notre manière de consommer les contenus audiovisuels a évolué (du DVD à Netflix, du CD à Spotify), les supports de communication des films ont su s’adapter. Les affiches sont désormais déclinées en vignettes adaptées aux plateformes numériques, tandis que les bandes-annonces sont repensées au format vertical pour s’intégrer aux usages des téléphones et des réseaux sociaux.
Le design comme vecteur d'immersion
Pour être pleinement immergé·e dans un film, chaque détail compte. Des tickets de métro d’une ville fictive aux journaux, en passant par la signalétique et les plus petits objets de scène, chaque élément de scénographie contribue à l’ambiance et renforce l’immersion du spectateur.
Parmi les réalisateurs connus pour leur perfectionnisme, Wes Anderson se distingue particulièrement. Son souci du détail s'illustre à travers sa collaboration avec Annie Atkins, une designer de renom spécialisée dans la création d’éléments graphiques pour le cinéma. Elle a travaillé sur de grandes productions telles que Joker, West Side Story, L’Île aux chiens et bien sûr The Grand Budapest Hotel. À l’instar d’Anderson, son travail repose sur une minutie extrême, une recherche approfondie et un goût pour l’authenticité. Elle chine et explore les archives historiques pour concevoir des univers visuels en parfaite harmonie avec la vision du réalisateur.
Fun fact : pour le packaging des célèbres boîtes de pâtisserie Mendl’s dans The Grand Budapest Hotel, une erreur s’était glissée dans l’orthographe du mot « pâtisserie », qui comportait deux « t ». Cette faute a finalement été corrigée en post-production.

Pour les amateurs de fantastique, le studio MinaLima, fondé par Miraphora Mina et Eduardo Lima, est une référence incontournable. Ce duo de designers a conçu la majorité des éléments graphiques de la saga Harry Potter et de Les Animaux Fantastiques. Parmi leurs créations emblématiques, on retrouve la mise en page du Daily Prophet, la célèbre enveloppe d’admission à Poudlard ou encore la mythique carte du Maraudeur. Au fil des années, MinaLima a développé un véritable univers autour du Monde des Sorciers, notamment à travers leur boutique dédiée, où ils proposent des objets imprimés inspirés des films. Spécialisés dans l’édition, ils réinterprètent également des contes et des histoires classiques en y apportant leur touche unique et immersive.
Pour conclure, impossible de ne pas évoquer American Psycho (2000) de Mary Harron, un film où le design graphique joue un rôle subtil mais mémorable. Le protagoniste, Patrick Bateman, est obsédé par son image et par l’impression qu’il renvoie aux autres, une obsession qui se manifeste notamment à travers… sa carte de visite. Cette scène culte illustre à la perfection l’importance des détails dans le design : typographie, couleur, finition, choix du papier… Chaque élément est minutieusement étudié pour refléter le statut et la personnalité de son propriétaire. Pourtant, malgré leur apparente similarité, Bateman ne peut s’empêcher de comparer les cartes de David Van Patten, Timothy Bryce et Paul Allen, cherchant à déceler les moindres différences dans leur mise en page minimaliste. Rassurez-vous, en tant que designers, nous sommes passionnés par le graphisme… mais pas au point de commettre un homicide pour une carte de visite, comme Patrick Bateman. 🙃

Ces cartes de visite ont été conçues par la designer Marlene McCarty, qui a sélectionné des typographies spécifiques afin de refléter l’esthétique des années 1980 et la personnalité des personnages. Chaque détail a été soigneusement pensé pour symboliser leur statut et leur influence. Par exemple, la carte de Paul Allen, le principal rival de Patrick Bateman, est imprimée en Copperplate Gothic, une typographie emblématique de l’époque, souvent associée au luxe et au pouvoir. Ce choix subtil renforce la jalousie obsessionnelle de Bateman, dont la propre carte, bien que raffinée, ne semble jamais à la hauteur de celle de ses confrères. Une preuve que le design graphique, même dans ses éléments les plus discrets, peut jouer un rôle clé dans la narration et la psychologie d’un film.
Bien que cette spécialisation du design graphique puisse sembler « niche », elle est de plus en plus prisée par les réalisateurs et réalisatrices soucieux de créer des univers immersifs et cohérents. En concevant des éléments visuels authentiques et minutieusement détaillés, ces designers contribuent à prolonger l’expérience cinématographique bien au-delà de l’écran.
Nous n’avons évidemment pas cité tout le monde, mais si le sujet vous passionne, voici quelques ressources pour approfondir :
L'évolution du graphisme dans le cinéma par design-me
Affiches de film, comment la technologie change la donne par Agence Graphisme Nantes
Comment le design graphique influence la perception d'un film par Thomas Marlow
Saul Bass pionnier du design graphique cinéma par Design & Formations
Designer graphique cinéma par Pixartprinting
Histoire de l'affiche de cinéma par Mauvais Genres
Saul Bass Wikipédia
American Psycho titles and business cards par Fonts in Use